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Le Silence de la mer1 de Vercors est un livre d’une grande qualité littéraire ; la beauté et la simplicité de sa langue font de lui un récit poétique à portée universelle.
D’ordinaire, lorsque l’on parle de Résistance, nous viennent à l’esprit des mots de mort, de violence, de désespoir. Mais Le Silence de la mer présente des scènes de la vie quotidienne d’un oncle et de sa nièce confrontés à l’envahisseur allemand dans le cadre harmonieux d’un foyer. Et c’est à peine si l’on entend le son des bottes.
Pourtant, il ne s’agit pas d’un texte où manque le courage, moins encore où la résistance ferait place à la complaisance, la complicité et la collaboration.
Il est vrai que quelques mois après la sortie du Silence, en 1942, une partie de la critique fut très sévère avec Vercors. Elle l’accusait d’avoir créé un personnage allemand trop convenable. Sous l’Occupation, pensait-on, la seule représentation acceptable de l’ennemi, c’est à dire appropriée au réveil du peuple et à la mobilisation de ses forces de résistance, devait montrer l’Allemand comme un barbare abominable. Bref, il fallait manger “du Boche comme du nougat”2. Or, en effet, Werner Von Ebrennac, l’officier du Silence de la mer, est cultivé, raffiné, correct et même“convenable” (p. 23) ; il n’apparaît pas comme un envahisseur brutal mais comme un homme courtois, respectueux de ses hôtes, et comme un amoureux de la France qui regrette presque de devoir lui faire la guerre.
Certes. Mais, nous l’avons dit, si le Silence n’incite pas à détester les Allemands, il est bien un texte de Résistance. Alors que faut-il penser du personnage de Von Ebrennac? quelle était l’intention de Vercors en choisissant de mettre en scène un Allemand si convenable? Sartre a-t-il raison en soutenant que l’auteur du Silence a voulu montrer que, même dans le cas extrême de l’amabilité de l’ennemi, il fallait résister à sa domination? N’est-il pas, en effet, plus dur de se résoudre à résister dans un tel cas que dans celui de la brutalité sanguinaire de l’occupant? Et si le Silence apporte la preuve que l’on peut et doit résister dans la situation la plus difficile, alors n’a-t-il pas, par là même, démontré qu’on le pouvait et devait dans tous les autres cas? Ces questions se posent d’autant plus que, en 1941, si les Français se sentaient humiliés par la défaite, ils étaient encore surpris par la courtoisie commandée — sinon toujours feinte — des Allemands, et tentés, comme Pétain à Montoire, de prendre la main qu’ils leur tendaient. Mais “Jamais loups, écrit Vercors, ne furent mieux déguisés en bergers que pendant les premiers mois de l’occupation.3 Le premier combat à engager et à encourager pouvait donc bien être de déjouer cette tactique rusée du commandement ennemi.
bonne chance
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