Réponse :
Saisir le sens du mot "génocide", rien de plus difficile, l'intelligence le peut dans une certaine mesure, mais quand même, il faut s'y reprendre à plusieurs fois, lire des livres, voir des films, entendre les témoignages, regarder les photos.
Ces récits ressemblaient parfois à ce que j'avais pu lire dans les livres d'histoire. Seulement, ils témoignaient de faits qui se passaient maintenant et dont on ne pourrait pas dire plus tard qu'on ne les connaissait pas.
Elsa, 18 ans, se rêve grand reporter. Au printemps 1994, elle met à profit les relations de son père pour devenir stagiaire dans une grande station de radio. Avril 1994, c'est également l'époque où éclate le génocide des Tutsi et des Hutu modérés au Rwanda. Ce génocide fera entre 800 000 et un million de morts (10 000 morts par jour). Sans parler des nombreux orphelins et veuves…
Elsa se retrouve confrontée à l'Histoire en direct, à l'actualité pure et dure. En août 1994, Elsa revient à la radio et trouve l'opportunité de partir au Zaïre, dans la ville de Goma, avec une journaliste de la station, Lucie. Là-bas, en suivant différentes organisations humanitaires, leur tâche consiste à faire un reportage sur les nombreux réfugiés qui ont fui le Rwanda. Elsa découvre alors toute l'horreur du génocide à travers les nombreux témoignages qu'elle recueille. Elle prend aussi conscience du quotidien des réfugiés dans les camps, où victimes et bourreaux se côtoient.
Mais Lucie, au-delà de ces enquêtes, se pose des questions que beaucoup cherchent à étouffer. Quel a été le rôle exact de la France avant et durant ce génocide ? Quelle est la part du gouvernement dans le massacre des Tutsi ? Une question qui aujourd'hui encore soulève malaise et détériore les relations entre le gouvernement français et le Rwanda actuel.
Ce livre, très clair et très fort, permet à tous d'aborder cette période noire de l'histoire du Rwanda. L'auteur sait retracer brièvement les origines des antagonismes entre Hutu et Tutsi, qui d'années en années se sont transformés en haine raciale de la part des Hutu vis-à-vis des Tutsi. Isabelle Collombat revient également, à travers les paroles de Lucie, sur les relations ambigües entre l'Afrique et ses anciens colonisateurs, faites d'argent, de pouvoir et de corruption. Enfin, les deux points essentiels qui sont abordés dans ce livre, à travers le génocide au Rwanda, sont les camps de réfugiés où corruption, violence et misère se perpétuent, et la position de la France à cette époque. Cette dernière question est loin d'être résolue, les réponses demeurent voilées. Que penser de son pays si on le sait complice (voire instigateur) d'un génocide ? Comment effacer cette honte, réparer le mal absolu orchestré par des hommes qui décident de la politique de notre pays ?
A travers Elsa, Isabelle Collombat témoigne certainement de sa propre expérience en tant que jeune journaliste. Nul doute que cette période l'a marquée à jamais. Elle sait avec brio la retranscrire et nous la faire partager. Un livre à mettre entre toutes les mains !